La fermentation lactique, comment ça marche ?

Si vous lisez cet article sur mon blog, c’est que vous avez déjà très certainement entendu parlé de ce qu’on appelle la lactofermentation ou encore fermentation lactique. Mais savez-vous vraiment ce que c’est et comment cela fonctionne au juste ?
Une perception floue et parfois mal interprétée
D’après une étude privée réalisée en France sur un panel de plus de 100 personnes de tout âge, de toute classe sociale et sexe confondu :
- 37% ne savent pas qu’ils consomment des aliments fermentés
- 44% ne savent pas ce qu’est la fermentation
- 38% ne savent pas à quoi ça sert
- 60% ont image négative des aliments fermentés
- 68% néanmoins pensent (et ils ont raison) que les aliments fermentés sont bons pour la santé
Une méthode historique de transformation des aliments
Reconnue notamment pour ses atouts santé, la fermentation des aliments est pourtant une pratique ancestrale. Les premières traces remontent près de 10 000 ans avant JC, au Néolithique. Historiquement, les humains ont peu à peu appris à contrôler l’environnement propice à la fermentation des ressources alimentaires à leur proximité avant tout pour les conserver. Pour cela, ils ont également appris à domestiquer les responsables de ce phénomène : les microbes.
Les microbes au service de l’Homme
En effet, ce sont ces organismes vivants microscopiques, ayant très souvent mauvaise presse, qui sont les acteurs principaux sans qui la fermentation ne pourrait avoir lieu. Ces derniers pour se nourrir vont consommer les sucres et acides aminés présents dans l’aliment pour ensuite produire à leur tour différents composés. C’est le cas de l’acide lactique qui est produit lors d’une fermentation dite lactique. L’acide lactique ainsi produit va permettre d’acidifier l’aliment en diminuant son pH. Ainsi, on évite le développement de mauvais microbes, les pathogènes. Comme le disait Lavoisier : « rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ».
En microbiologie, on classe les microorganismes en différents niveaux : règne, embranchement, famille, genre puis espèce. Parmi les microbes responsables de la fermentation lactique, on retrouve en grande majorité les bactéries du genre Lactobacillus.
Réaliser ses propres aliments lactofermentés est très SIMPLE. Néanmoins, afin de mettre toutes les chances de son côté, plusieurs paramètres sont à prendre en considération. En effet, il s’agit avant tout d’un PROCEDE, et non PAS D’UNE RECETTE.
1. Les matières premières
Comme expliqué en amont, afin de chouchouter les bactéries lactiques, il faut qu’elles puissent se nourrir correctement. Elles sont ni plus ni moins comme nous. Elles ont besoin de sucres (source de carbone), d’acides aminés (source azotée), de vitamines, de minéraux et d’eau. C’est donc en puisant ces nutriments essentiels à leur croissance sur l’aliment qu’elles vont pouvoir initier la fermentation. Or, comme chaque aliment et chaque variété est unique, chaque produit fermenté sera différent.
La loi du plus fort
Chaque aliment a sa propre communauté de microbes déjà présents, qu’on appelle la flore indigène. Pour garantir le succès d’une lactofermentation, il faut faire en sorte que cette flore initiale ne perturbe le moins possible l’action des bactéries lactiques. En effet, par effet de compétition, certaines bactéries lactiques peuvent rencontrer plus de difficultés à se multiplier en présence d’une flore indigène trop importante. Pour y remédier, il est fortement conseillé de prendre le temps de bien laver la surface des aliments, quitte à les faire blanchir une petite minute à l’eau bouillante en amont. Pour éviter toute autre contamination extérieure, il est aussi important de bien nettoyer et désinfecter les surfaces et ses ustensiles. Une hygiène personnelle adaptée est également cruciale, donc on n’hésitera pas à bien se laver les mains.
Le Yin et le Yang
Des bactéries, il y en a des bonnes et des mauvaises, tout comme les humains. Les bonnes bactéries sont utiles notamment pour améliorer le goût, conserver les aliments et améliorer notre santé. A contrario, les bactéries mauvaises, les pathogènes, peuvent mettent notre santé en danger. Il est important de ne pas les confondre et surtout d’éviter à tout prix le développement des pathogènes. Lors du processus de fermentation, les deux vont entrer en compétition. Il est donc nécessaire de mettre toutes les chances du côté des bactéries bénéfiques, dont les bactéries lactiques.
Afin de favoriser le développement des bonnes bactéries lactiques au détriment des mauvaises, il est également important d’ajouter du sel non iodé et non fluoré, et si possible sans agent anti-agglomérant. En effet, l’iode et le fluor sont antiseptiques, donc néfastes pour les bactéries lactiques. Ces dernières étant capables de supporter d’importantes concentrations en sel, l’ajout de cet ingrédient permet de faire un « tri » parmi toutes les bactéries présentes dans l’aliment.
2. Le temps de fermentation
Au cours de la fermentation, plusieurs types de microorganismes vont peu à peu prendre le relai, tandis que d’autres vont progressivement disparaître. Une vraie dynamique est ainsi créée tout au long du processus. Le temps de fermentation peut alors être relativement long, notamment dans le cas des fermentations dites « spontanées ». Ce type de fermentation est dû aux microorganismes déjà présents sur l’aliment qui vont se développer. Néanmoins, ce temps de fermentation peut être raccourci de manière significative en apportant un petit coup de pouce en ajoutant ce qu’on appelle un starter de fermentation. Il s’agit de bactéries lactiques connues et en très grande quantité qui vont rapidement prendre leur place une fois ajoutées à l’aliment à fermenter.
D’autres paramètres peuvent influencer le temps de fermentation, tels que la présence et/ou la production de composés phénoliques (tanins…), d’exopolysaccharides (cellulose…) ou de composés bioactifs (composés antimicrobiens comme les bactériocines par exemple).
3. La température de fermentation
Une température trop basse ralentit fortement voire empêche le déroulement du processus de fermentation. Au contraire, une température trop élevée peut altérer les saveurs et la texture de l’aliment. Au-delà de 45°C, on tue la majorité des bactéries lactiques.
Chaque type de microorganisme a sa plage de température optimale. Dans le cas des bactéries lactiques, elles se développent le mieux entre 25°C et 35°C. On vise donc à les mettre dans les meilleures conditions pour un résultat optimal et mettre toutes les chances de son côté.
4. L’absence/présence d'oxygène
Tout comme la température, certains microorganismes préfèrent l’oxygène, d’autres préfèrent des conditions sans oxygènes, appelées conditions anaérobies. Le taux d’oxygène impacte fortement la survie des microbes. Nos chères bactéries lactiques préfèrent l’absence d’oxygène, mais en tolèrent tout de même en petite quantité. Il est donc important de faire attention que l’aliment à fermenter ne soit pas exposé à l’air et de bien l’immerger sous une saumure, quitte à utiliser des poids pour éviter que l’aliment flotte en surface. Si l’aliment n’est pas totalement immergé au cours de la fermentation, des moisissures vont alors se développer et fortement altérer la qualité du produit.
5. L'acidité
Certains microorganismes aiment vivre dans un environnement acide, d’autres ne peuvent pas s’y développer. L’acidité initiale d’un aliment (mesuré par son pH) va donc aussi influer sur la survie de ces microbes. Les bactéries lactiques, elles, adorent l’acidité, elles pourront donc se multiplier sans problème dans des aliments déjà très acides comme certains fruits. Elles vont également produire de l’acide lactique au cours de la fermentation, qui va ainsi acidifier davantage l’aliment.
Pour résumer...
Fermenter ses aliments c’est avant tout apporter toutes les conditions optimales et nécessaires pour que les bactéries lactiques puissent se développer correctement. En contrepartie, elles vont produire de nombreux composés bénéfiques (qui feront l’objet d’un projet article…).
