Fermentation spontanée vs contrôlée

Il existe deux techniques de fermentation
Comme je le répète souvent, dans le processus de fermentation rien ne se perd, rien ne se créé, mais tout se transforme. En effet, un aliment fermenté est transformé par l’action de microorganismes et des enzymes que ces derniers sécrètent.
Peu le savent, mais en réalité, il existe deux manières de conduire une fermentation :
- soit via une fermentation dite « spontanée »
- soit par fermentation dite « contrôlée » ou « dirigée »
Dans les deux cas, il s’agit d’un phénomène totalement naturel. Toutefois, ces deux techniques de fermentation sont très distinctes.
Dans cet article, je vous propose de voir ensemble ce qu’on appelle « fermentation spontanée » et « fermentation contrôlée » plus en détail. Puis je comparerai ces deux techniques afin que vous puissiez mieux les comprendre.

La fermentation dite "spontanée"
Une sélection naturelle
Dans le cas de la fermentation spontanée, c’est les microorganismes déjà présents à la surface de l’aliment choisi qui vont le transformer. C’est ce qu’on appelle la flore indigène. En effet, les microorganismes sont partout autour de nous, y compris sur les aliments que nous consommons. Pour qu’une fermentation lactique ait lieu, il faut que les bactéries lactiques présentes en surface de l’aliment puissent se développer et se multiplier. Or, dans le cas d’une fermentation spontanée, il n’y a pas que les bactéries lactiques qui voudraient aussi se multiplier et croître. Il va donc y avoir un effet de compétition qui durera le temps qu’il vaudra pour les bactéries lactiques de prendre le dessus sur les autres microorganismes. Ceci est vrai même en ajoutant du sel, qui certes favorise le développement des bactéries lactiques. De ce fait, une fermentation spontanée aura en général une durée assez longue.
Des résultats très variables
La flore indigène en fermentation spontanée dépend de l’aliment en question (variété, origine, propreté…), de l’environnement où il est stocké, et même de celui qui touche et manipule l’aliment. En effet, nos mains sont aussi riches en microorganismes. Dès que nous touchons quelque chose, nous y déposons les microorganismes que nous transportons partout sur nous. C’est pourquoi l’hygiène dans la fermentation spontanée est cruciale. Il est très important de bien se laver les mains, de nettoyer son matériel ainsi que son plan de travail, mais aussi de laver les aliments avant de les fermenter. De plus, la flore indigène d’un aliment peut aussi cacher la présence de microorganismes bien moins sympathiques que l’on appelle des pathogènes. Raison de plus pour redoubler de vigilance et de propreté !
La fermentation dite "contrôlée"
Moins de variabilité, plus de sécurité
Appelée aussi fermentation maîtrisée ou dirigée, il s’agit dans ce cas de microorganismes spécifiques que l’on rajoute à l’aliment avant fermentation. Ces microorganismes sont en général en très forte concentration, donc très nombreux. En les rajoutant à l’aliment à fermenter, on leur permet d’être déjà présents en grand nombre et de pouvoir prendre le dessus sur la flore indigène. Pas besoin, contrairement à la fermentation spontanée, d’attendre que les bactéries lactiques prennent le dessus. Attention, cela ne veut pas dire qu’on peut négliger les règles d’hygiène énoncées plus haut. La propreté est tout aussi importante en fermentation contrôlée.
Quelques exemples
La fabrication de yaourts
Afin de mieux comprendre ce qu’est la fermentation contrôlée, l’exemple le plus simple est celui de la fabrication de yaourts. Dans ce cas, on chauffe le lait pour éliminer la flore indigène, puis lorsque le lait est encore tiède, on ajoute des ferments lactiques. Ces ferments contiennent des bactéries lactiques spécifiques et connues qui vont transformer le lait en yaourt. Il s’agit en général d’un duo composé de Lactobacillus bulgaricus et de Streptococcus thermophilus. Ce sont ces bactéries qui permettent d’obtenir la texture et le goût du yaourt, via la fermentation lactique. Effectivement, il n’est pas nécessairement nécessaire d’utiliser des ferments pour faire un yaourt. On peut tout simplement utiliser un autre yaourt. C’est ce qu’on appelle faire du repiquage. L’idée reste la même. Dans ce cas, le yaourt sert de « starter » et contient lui aussi déjà le célèbre duo de bactéries lactiques.
Autres fermentations
Lorsqu’on souhaite faire du koji, par exemple, c’est pareil. On inocule aussi du riz cuit à la vapeur (où on élimine la flore indigène) avec des spores spécifiques du champignon Aspergillus oryzae. Il s’agit du même procédé lorsqu’on souhaite fermenter du tempeh. Dans ce cas, on utilise des spores de Rhizopus oryzae. En fermentation contrôlée, on va donc inoculer l’aliment avec des microorganismes connus qui vont, via la fermentation, donner les caractéristiques que l’on recherche, comme la texture ou le goût. De ce fait, avec cette technique de fermentation, on évite les (mauvaises) surprises et on sécurise/optimise le résultat de la fermentation.
Une technique naturelle
Ces microorganismes spécifiques (ou ferments) sont tout aussi naturels que ceux en fermentation spontanée. Ils ont tout simplement été isolés et multipliés séparément de la flore indigène. Dès les débuts historiques de la fermentation, nos ancêtres isolaient les microorganismes les plus performants, sans même en avoir conscience. Pour cela, ils gardaient précieusement une partie des produits fermentés avec succès et les réutilisaient en petites quantités dans leur recette. Cela maximisait leurs chances d’obtenir le produit fermenté qu’ils souhaitaient. C’est le cas du repiquage avec le cas du yaourt, comme vu plus haut. C’est également le cas avec le Kombucha. Lorsque l’on prépare un nouveau lot de boisson, on ajoute toujours un peu de Kombucha déjà fermenté. L’inconvénient du repiquage (ou « backslopping » en anglais), c’est qu’au bout d’un certain temps, les microorganismes contenus dans le starter vont s’épuiser et devenir moins performants et efficaces. L’idéal dans ce cas est de repartir d’un nouveau starter frais ou de ferments en poudre.
Comparaison des deux techniques
Pour terminer cet article, je tiens à préciser que chacun est libre d’utiliser la technique qu’il préfère ! Il n’y a absolument pas de règles 😉
